Il fait noir. C'est un peu la nuit, 'faut dire.

Je vagabonde dans des allées désertes, un dédale de ruelles sombres et humides, étroites et sordides. Ici et là, de la crasse, des déchets, et d'autres choses moins avouables. C'est un peu Palmyna dans ses jours de gloire, et c'est pas pour me rassurer. Je ne devrai pas être là. Je veux dire, je ne devrai pas me trouver là. Pas juste ici, nan. Dans cette ville. Dans ce monde. Nan, j'aurai dû être ...

Où est-ce que j'aurai dû être ?

Auprès de mon souverain. Aux cotés de mon peuple. Au cœur de la guerre. Ce n'est que là que je me sens réellement vivante. Que ma vie prend tout son sens.

Mais il ne me faut pas oublier cette-

Oh. Je me stoppe nette, à l'affut. J'ai entendu le bruit d'un récipient qui s'écrase sur une surface solide, pas loin. Devant. A moins que ce ne soit derrière ? J'ai jamais été douée pour me représenter dans l'espace, duh ... N'empêche, par réflexe, je fais mon possible pour faire étouffer le moindre bruit. Ralentir ce cœur qui bat à cent à l'heure. Un frisson parcoure mon échine, alors que par habitude, je porte une main à une ceinture désespérément vide. C'est pas comme si j'aurai su me servir de ce qui aurait pu s'y trouver, oh nan. Mais ça suffit à dissuader, en général. Randall, parfois, n'est pas aussi sûre qu'on veut nous le faire croire.

L'attente se prolonge, des voix s'élèvent. Ils sont plusieurs, ou nombreux. Je plisse les yeux, pour tenter de discerner à travers les ténèbres. Saouls, ils sont saouls. Et ils arrivent dans ma direction. Je crois. Ça n'allait pas bien se finir, je le savais. Ça ne se finissait jamais bien. Pourquoi est-ce qu'ici ça serait différent, hein ? Je ressens une vaine excitation. Mon sang qui s'échauffe. Un infime sourire se dessiner sur mes lèvres.

Pourtant, rien ne se passe. Les sons s'éloignent, et je me retrouve seule dans cet endroit pourri. Je rougis, à peine. Me maudis. Me déçois, même.

Mais pour une raison que j'ignore, mon regard se lève vers le ciel. L'astre lunaire resplendit. Et ça me réjouit.

Après tout, Elsa est plus belle la nuit.

J'allais continuer ma route, qu'une voix m'interrompait.

- Oh.

L'exclamation sortait seule d'entre mes lèvres, alors que je me retournais pour faire face à l'inconnu qui m'interpellait. Une femme normal se serait reculée, en voyant une apparition aussi soudaine que silencieuse. Mais une ne l'était pas. Une était brave, une était forte. Elle n'avait pas forgée son nom si la moindre chose l'a fait tressaillir. Je me contente de hausser un sourcil, jaugeant mon interlocuteur. Il a l'air ... atypique. Même selon les normes de ce monde-ci. Je remarque rapidement les cernes, et bien plus vite, l'énorme jarre qu'il porte à son dos.

Intriguant, définitivement. Pas question de se détendre, oh ça nan !

Même si il ne semble pas belliqueux. Un accident est si vite arrivé, n'est-ce pas ?

- Plutôt. Mais vous savez, de là où je viens, nous n'avons pas qu'une lune. Dans la voûte stellaire trois astres font leur chorégraphie.

Je hochais la tête doucement, pour moi-même. Oui, je lui avais dit sans détour que je n'appartenais pas à ce monde. Mais si mon intuition était la bonne, lui non plus ne venait pas d'ici, ni de chez moi. D'un quelconque autre univers dont je ne connais rien. Je le fixais longuement, en penchant ma tête sur le coté.

- Et chez vous, vous avez le même ciel ?

Je lui faisais comprendre que je me doutais de ses origines, sans animosité aucune. Ma voix avait pris une tonalité douce, comme le bruissement du vent.

Définitivement, mon intuition était bonne.

Ce jeune homme intrigant n'était pas d'ici, et, je ne sais pas, ça m'a rassuré. Je le dévisageais longuement, mes iris bleus dardés sur les siens, mon sourire persistant sur mes lèvres. Il me parlait de son ciel, des légendes l'entourant, et je trouvais ça très joli. Chez nous, les morts rejoignaient le Plan Astral, et nous pouvions ensuite les convoquer pour nous soutenir au combat, ce qui était définitivement moins romantique. Je pouffais de rire, en acquiesçant.

- Vraiment ? Je pense que je vais adopter cette légende, alors. Nous n'avons pas une vision aussi lyrique de la mort chez nous ...

Mais voilà qu'il continuait, et se présentait. Gaara ? Définitivement, ce n'était pas de mon monde. Et quant à sa position ? Chef c'était prestigieux, mais d'un village de guerriers ninja ? Il y avait dans son univers des cités uniquement martiales ? Et des ninjas ? Mais c'est quoi un ninja ? Il a quoi de plus qu'un guerrier normal ? Tant de questions à lui poser ! Mais il me présentait sa main, là. Je haussais un unique sourcil. Qu'essayait-il de faire avec ? Était-ce sa façon de saluer, chez lui ? Confusion, quand tu nous tiens ... Je reste les bras ballants, ne sachant pas trop quoi faire. Puis me contente de faire comme j'ai toujours fait : saluer en faisant une révérence gracieuse.

- Je suis ravie de faire votre rencontre, Gaara. Mon nom est Elsa von Rommel, j'étais prétendante à la Garde Impériale de ma contrée.

Je lui adressais un petit sourire, fier. On m'avait grandement recommandé auprès de l'Empereur, et ça n'aurait été qu'une questions de semaines avant que j'intègre cette noble institution, la plus prestigieuse d'Elgaïa. Vous comprendrez bien toute la fierté qui était la mienne ... Depuis toute petite, je tenais à la rejoindre.

- Dites, ça vous dit qu'on marche un peu ensemble ? Et comme ça, vous pourrez me parler de ce que vous faisiez dans votre monde, Gaara. Puis, c'est quoi un ninja ?

Je passais mon bras autour du sien, et l'entrainais en avant. Après tout, les hommes aiment bien quand on prend des initiatives, nan ?