Qu’est-ce que je fiche ici? Sérieusement?! C’était quoi l’idée stupide? M’enfin, va savoir ce qui m’a traversé l’esprit pour que j’accoure dans un tel endroit. Plus j’avançais et plus il devenait évident que ma place n’était pas ici. La végétation devenait peu à peu plus terne, plus… morte. La joie quittait le monde. Certes, en temps normal, cela m’aurait réjoui, sauf lorsqu’il s’agit de plante et de fleurs. J’ai même croisé un rosier en difficulté! Le pauvre. Avec mes pouvoirs pathétiques dans ce monde étranger, je n’ai rien pu faire pour le secourir. Dans les prochains jours, la terre l’absorbera, il retournera poussière. Fin de l’histoire. J’en pleurerais presque, triste quand même… de mon point de vue hein. J’t’ai rien demandé! Va voir ailleurs si j’y suis!

Tu juges et cries après les gens, sans même connaître leurs profondes pensées…

Donc, me voici face à une habitation des plus délabrées. Le mélange de bois pourri et de cadavres d’animaux donne une joyeuse odeur putride à souhait. Je pourrais très bien m’arrêter à ça et rebrousser chemin, ce que toute personne normalement constituée et à la psychologie stable ferait. Malheureusement, un plan un peu diabolique germa dans mon vilain esprit. Tant qu’à être sur place, autant m’amuser, non? Qui dit que d’autres n’approcheront pas aussi? Leur ficher une de ses frousses, ça m’amuserait un temps, puis je passerais à autre chose par la suite. Aussi simple que cela. De toute façon, que pourrait-il bien m’arriver de grave là-dedans? À part de croiser quelques rats et des insectes, pas grand-chose. Mon si bon raisonnement acheva mes dernières résistances. Autant se lancer, surtout que j’entends des bruits de pas qui approchent, et des gens se parler! Voilà  ma chance de rire un bon coup de mon malheur. Douce vengeance sur de purs inconnus, il n’y a rien de mieux!

Te dirigeant vers la maison aux allures sombres et abandonnées, un frisson d’appréhension remonte le long de ta colonne vertébrale. Serait-ce de la peur?

Moi? Ressentir de la peur? Pouah! Quelle bonne blague! Pour te prouver le contraire, voilà, je continue de me jeter dans la gueule du loup. Satisfait? M’enfin, répond pas, j’en ai rien à foutre. Je fais ce qui me plait quand ça me plait. Point à la ligne. C’pas une cabane abandonnée un peu lugubre qui va me changer. Voilà, je suis à l’intérieur. On n’y voit vachement rien… Si au moins le soleil était de la partie, mais non. Évidemment, fallait que je vienne ici la nuit venue. Moins drôle, sinon.

Bon, quelle est la cachette idéale pour se foutre de la gueule des gens? Il faut impérativement que je trouve au plus vite, avant que d’autres arrivent. À moins que… et si… bah oui! Pourquoi je n’ai pas songé à cela plus tôt?! Y a possiblement des personnes ici, j’dois pas être la seule à penser à ce genre de blague un peu pourrie, j’avoue. Eurf, aussi bien partir maintenant et tout abandonner, avant de me ridiculiser. Si j’avais toute ma puissance, ça ne me gênerait pas, je pourrais taper sur des tronches allègrement, casser des dents et faire couler du sang… Ça me manque. Mais surtout, ça me frustre. Recommencer une réputation à zéro, avec des pouvoirs minables. Se souvenir de tout sans réellement avoir accès à cette ancienne portion de ma vie. Un jour, un jour je retrouverai tout ça! Impossible qu’il en soit autrement. En attendant, il faut que je passe le temps, que je me défoule un peu. Peut-être vais-je piéger des abrutis au final avec quelques lianes de roses. Marrant de les contempler s’enfuir à toute jambe, croyant aux balivernes des fantômes et maisons hantées.

Cette réflexion te convint toi-même de poursuivre, d’avancer dans ce lieu répugnant, dépourvu de vie.

Alors que je crois avoir trouvé la cachette idéale, un craquement sinistre me fait légèrement sursauter… oui, légèrement! Si tu ne me crois pas, bah va lire autre chose! C’pas mon problème! M’enfin, je me tourne lentement, histoire de ne pas paraître trop peu sûre de moi. Et… y a rien, niet, que dalle. En même temps, cette baraque est si vieille et si délabrée qu’un simple coup de vent pourrait la foutre en l’air. Y a rien de surprenait à ce que sa craque, surtout si y a des rats et compagnie qui se baladent librement. Un véritable nid de festin pour eux. Ça doit grouiller dans tous les sens.

Bref, je retourne à mon camouflage parfait, patientant le bon moment pour agir. Ceux que j’ai entendus plus tôt, ils doivent être dans le secteur, à moins que comme des poules mouillées, ils soient partis. Affreusement dommage, ma seule source de distraction possible dans ce monde pourri… Va falloir que j’aie une meilleure idée visiblement. Néanmoins, autant patienter encore un peu, juste un peu. Sur cette belle résolution, ma tête se tourne légèrement, me dévoilant le champ de vision caché par mon œil manquant.

Tu restes bouche bée, le sang glacé, un frisson d’effroi remontant le long de ta colonne vertébrale, incapable de te mouvoir ou de produire le moindre son.



Ça existe pour vrai ces bestioles! Dites, est-ce que je suis en train d’halluciner? Oui, ça doit être ça. Y a une substance toxique dans l’air qui nous fait croire à des visions franchement réalistes. Bravo aux créateurs de cette maison, c’est sincèrement réussi! Ils les ont pris où leur marchandise de si bonne qualité? Faut que j’aille à cette boutique aussi, dans les plus brefs délais!

Et si… tout cela était réel? Ça voudrait dire que je me trouve vraiment face à un foutu fantôme… Et ce con a l’air de me narguer complétement, se délectant de ma précédente réaction. Je trouvais déjà cet univers étrange et à la goure, c’est largement pire à présent. Rien pour les aider. Si des bestioles surnaturelles existent, y peut y avoir quoi d’autres? Tant d’interrogations voient le jour dans ma tête que je ne sais plus quoi en penser. Un brin perdue dans ce torrent, Mr Ghost de son côté perdit sa patience. Bawi, c’pas comme s’il avait l’éternité devant lui hein… Il se manifesta violemment, me traversant de part et d’autre. Hé oh! J’ai l’air d’une route?! Je vais lui faire comprendre ma façon de penser, il n’en reviendra pas. Surtout que bah il semble tout droit sorti du Moyen âge avec son style vestimentaire et sa perruque hideuse. Tu parles d’une blague moche! S’il pense me faire peur ainsi…

Tu ne devrais pas provoquer des entités que tu ne connais pas.

Ah non! J’ai assez de gérer un revenant moche et antique, ne me fais pas chier en prime! Un problème à gérer c’est suffisant, merci. Bref, je me retourne vers la chose désormais derrière moi et ouvre la bouche, bien déterminée. Par contre, aucun son ne sort, néant total. Ok, on se fout de moi ouvertement, y a plus aucun doute là-dessus. Pas un spectre, mais deux me toisent de haut (ils flottent les enfoirés). Et ils… ricanent! Putain, mais ça fait des sons en plus ces trucs! J’ai certainement bouffé de la fumée hallucinogène. Il n’y a pas d’autres explications logiques. J’entends aucun autre cri, aucun autre bruit. Impossible que je sois la seule ici, n’est-ce pas? Hé, le lecteur, c’est là que tu peux me répondre! … Ok, c’est ça, va te perdre ailleurs à un moment pareil, ça fait rien. J’me débrouillerai toute seule. Sur cette bonne résolution, un des fantômes lâche un cri de la mort, tandis que je sursaute, ne m’y attendant pas du tout. Ils tournoient ensuite autour de ma divine personne, visiblement amusés. Non, ils ne continueront pas ainsi très longtemps…



Et, c’est là qu’un d’eux me répond d’un non bien senti. Ça a le mérite d’être clair, sauf que je ne me laisserai pas faire aussi facilement. J’ai une réputation à tenir, un honneur à défendre. Ma piètre performance jusqu’à maintenant doit être rehaussée de beaucoup. Quand j’aurai une brillante idée pour réaliser cette prouesse, je la mettrai en œuvre! Promis.

Ouais, bah la seule solution un minimum intelligente que j’ai trouvé, c’est de courir à toute jambe loin de cet endroit. Emmerder les autres c’est drôle, jusqu’à temps que tu tombes sur deux revenants plus vrais que nature. Je veux bien me montrer crédule et croire qu’il s’agit d’hologramme, une technologie quelconque ou mieux encore de drogue que j’aurais pris à mon insu. Néanmoins, les preuves sont un peu trop flagrantes et se retournent contre moi. Donc me voici en train de m’enfuir comme une trouillarde. Tu parles d’une situation de merde. Le problème avec mon plan à tout casser, c’est que les choses qui me pourchassent peuvent traverser les murs. Bawi, ils sont immatériels. Sinon, ce n’est pas drôle. Du coup, ils me rattrapent en un rien de temps, me narguant par la même occasion. J’ai beau leur gueuler dessus, leur balancer des roses, tenter de les attraper avec des lianes d’épines, leur corps demeure insaisissable. Tant qu’à rencontrer des bestioles mythiques, donnez-moi des vampires, des loup-garou, n’importe quoi de tangible putain! Là, ils se foutent ouvertement de ma gueule en me faisant sursauter aux détours des couloirs. Impossible de me cacher.

Tu t’es faite prendre à ton propre jeu.

Oh, tiens, te revoilà. Toujours aussi utile à ce que je constate. Merci pour cette valeureuse déduction, je ne l’avais pas compris! Si tu n’as rien de mieux à faire que de prendre leur partie, ferme la! Ça me fera des vacances méritées. Tu jouais à ce petit jeu très bien pendant que je trouvais une solution à mon problème de taille. Bref, mes pas me guident vers des escaliers. Le problème, c’est qu’ils descendent. Pas certaine d’avoir envie de m’enfoncer sous terre dans une maison aussi lugubre. Ça sent le moisi encore plus de là où je me tiens. Très invitant… Pour leur échapper, puisque je les entends rire et approcher, je m’enfonce tout en refermant derrière moi. J’espère que cela les arrêtera, mais ils peuvent sans doute traverser la porte et continuer leur endiablée chasse à la femme. Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça?

Tu veux une réponse courte ou la liste complète?

J’ai tellement juste envie de rire. Ouais, genre que tu as le temps de m’en fournir une pendant que j’me fais bouffer par des fantômes! M’enfin, je décide de ne plus m’occuper de cette distraction puis avance, pour me retrouver au premier sous-sol. Un de mes pieds se fait frotter par une bestiole, sans doute un rat. Il a tout de même le mérite de me faire grincer des dents. Bon, suffit que je trouve une fenêtre pis je suis libre, non? Devant cette idée de génie, me voilà rassurée. Dans cinq minutes, tout au plus, je me tire purement et simplement de cet endroit de débile!

Quelle fichue galère! En effet, il est plus long qu’escompté le cinq minutes précédemment prédit… Semblerait qu’il n’y a pas de fenêtres dans ce fichu sous-sol. C’est sombre, on n’y voit rien! Horrible! Ça grouille de partout, et les bruits étranges deviennent pratiquement normaux tellement il y en a. Je ne veux même pas savoir sur quoi je marche, ou ce que je touche parfois. Même les murs semblent graisseux, moisi à la limite. Je suis certaine que ma main a effleuré de la mousse tout à l’heure… En prime, comme si ça n’était pas assez, je suis convaincue d’avoir entendu des pas, des voix également. Les fantômes se sont bien foutus de ma gueule. Ils avaient clairement d’autres gens à embêter, mais ils m’ont préféré pour une obscure raison. Peut-être suis-je la seule femme. Ils doivent trouver cela plus amusant que des hommes qui font les durs à cuire alors qu’à l’intérieur ils sont sur le point de faire dans leur pantalon… Quelle bande de sexiste! Même décédés ils sont chiants.

Sois vigilante, Nokomy, sinon de mauvaises surprises t’attendront.

Ne m’appelle plus jamais ainsi! Jamais! Tu m’as bien compris?! Je n’ai pas changé mon identité pour rien. Hana est mon prénom désormais, faudra t’y faire. En prime, depuis le temps qu’il est modifié… te permettre un tel écart est bien dangereux. C’est ça, ricane! Un jour, je trouverai le moyen de t’atteindre, sois en sûr! Je me décale alors, boudeuse. Cependant, ma malchance revient en force. En effet, y a un nouveau spectre devant moi. Alors… le ricanement… bah ça venait sûrement de lui. Bordel! Faudrait que j’apprenne à être plus vigilante! J’me fais avoir comme une débutante! À croire que de perdre mes facultés en combat me rend débile… Décidément, j’ai connu mieux comme journée! Limite, quand mes parents m’enfermaient dans une pièce de leur immense château c’était moins pire… ou pas. Évitons de ramener ce sujet sur la table. Ça pourrait me contrarier et me faire sortir de mes gonds. Je les haïssais du plus profond de mon âme. Voilà pourquoi ils sont morts de ma main! M’enfin, j’ai d’autres préoccupations plus urgentes pour l’instant, comme celle de survivre face à une entité éthérée. Mais… attends une minute! Si elle est intangible, elle ne peut rien me faire, non? Un rire sarcastique s’échappe alors de ma bouche. C’est qu’on va bien rigoler~

Tes hypothèses ne sont fondées que sur tes minces croyances et connaissances.

Je décide de superbement ignorer l’avertissement. Après tout, ce n’est pas comme si tu connais quoi que ce soit de plus que moi. Puis, ça me rassure beaucoup comme conclusion bon! J’aviserai si nécessaire, mais laisse-moi en douter fortement.



Il ne s’y attendait pas à celle-là. Tu parles d’un retournement de situation à mon avantage, pour une fois. Finalement, ce n’est pas si mal ici.

J’étais extrêmement  fière de moi. Ma réplique si bien trouvée eut l’effet d’une bombe. Le spectre cessa de se mouvoir dans tous les sens. La tronche qu’il tire en ce moment! Inévitablement, un sourire mesquin apparait sur mes lèvres. Il ne devait clairement pas s’attendre à ça, et c’est justement ce qui est marrant. Me voilà avec l’avantage. Plus jamais je ne me laisserai effrayer par des fantômes! Qu’ils aillent tous au Diable! M’enfin, qu’ils aillent embêter une autre personne. J’en ai rien à foutre de comment ils occuperont leur temps sans pouvoir m’embêter à leur guise. Problème résolu donc. Je me redresse puis marche à travers la chose immatérielle. Un froid glacial s’empare de mon corps, me faisant frissonner violemment, mais rien de plus. Il fait moins le malin là le petit mort! Je ricane un bon coup puis continue de m’éloigner. Malgré tout, je souhaite encore trouver une sortie quelconque. Pas vrai que je vais passer ma soirée à sentir toutes les odeurs de pourri qui règne dans cette cabane hurlante!

Tu ne devrais pas provoquer des entités dont tu ne connais rien…

Que pourraient-ils me faire de toute façon? Absolument rien, ils ne touchent pas. Ils sont simplement là comme décoration pour effrayer les plus naïfs. Risible comme destin. J’aimerais éviter cela à ma mort. Devoir errer comme un malpropre… c’est pour les faibles. Bref, satisfaite de mon raisonnement et de m’être ainsi échappée à l’emprise de ce vaurien, un terrible revirement de situation survient. À croire que je devrais écouter plus souvent quand on me parle et qu’on me donne des avertissements… ou pas, je ferai mes propres erreurs. Tout cela pour dire que l’autre taré n’a pas apprécié mes douces paroles et mes divines actions. Y a des objets qui lévitent tout autour de moi, menaçant de s’abattre à tout instant. La dernière chose dont j’ai envie c’est de me retrouver la face contre le sol moisi, assommée. Une vieille table à manger par la tête, ça ne doit pas non plus faire du bien… Pourquoi mes pouvoirs sont diminués alors que je me retrouve dans une telle galère? Je ne pense pas que m’excuser changera quoi que ce soit rendu à ce point. Ma seule option est de passer en mode défense!

Instinctivement, tu actives l’une de tes plus puissantes capacités pour te défendre. À la lumière, ta peau semblerait être constituée de tiges de roses.

Une chaise me frappe, tandis que je l’arrête net avec mon bras droit. Ça me blesse, mais pas suffisamment pour que cela m’indispose. Je continue de fuir, dans le vain espoir de finalement trouver la sortie. Des escaliers se montrent enfin… Je cours puis pousse violemment une porte, alors que derrière moi, un râle des enfers retentit.

Je me suis échappée~