Je suis un invocateur ! Oui m'sieur dames, parfaitement. Enfin, pour l'instant je me contente de gobelins. Ce n'est pas exactement le plus sexy comme créature. Ni la plus puissante sur le marché. A peine "Challenge rating" de 1/3. Je rêve en marchant dans les bois de pouvoir invoquer un grand dracosire rouge... J'en ai la bave aux lèvres.

Une branche d'arbre me heurte à la figure et me tire de mes songes. Oui, je suis venu ici pour entrainer mes talents d'invocations. Parce que quand j'ai essayé dans le dernier village d'invoquer mes petits gobelins, les gardes ont pris ça comme une attaque et les ont tous tués. J'ai du m'enfuir en courant. En plus une robe, c'est pas pratique pour courir.

Depuis, j'ai déjà fait quelques essais hier. Et j'ai rencontré une sacré gonzesse d'ailleurs.

Je vaque donc dans cette forêt sombre en lisant mon grimoire et en cherchant une bonne cible.

Et je vois un loup. Ainsi qu'un type avec un sabre qui l'attaque. Il est habillé bizarrement. Je sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression de l'avoir déjà vu à la télé. Genre dans un dessin animé pour enfant. Non, c'était pas dans dragon ball, ni dans Naruto... Le nom m'échappe. Par contre, le loup à une sacrément belle fourrure. Je suis un peu carrément à court de liquidité dans ce monde, et je pourrais troquer une telle peau contre une belle somme.

Je m'avance dans la clairière, bien que toujours à une dizaine de mètre de la bête et du chasseur. Mon grimoire à la main, j'invoque mes petites créatures. Des ombres noires dansent, virevoltent et se rassemblent pour former des petits gnomes verts, moches, difformes. Cette fois-ci, ils sont venus plus facilement j'ai l'impression. Je me sens moins fatigué. Je pointe du doigt le loup et je leur dis.

"Abattez-moi ce loup. Sa peau pourra se vendre au marché. D'après mon bestiaire, on peut en tirer 100 pièces d'or !"

"A mort pour le boss !"

Les gobelins se ruent vers la bête sauvage tandis que je recule pour mieux observer la scène. Je mets un pied sur le rocher et j'admire le travail de mes créatures. Bientôt, le loup n'est plus que charpie.

"Victoire !"
"Tin tin tin tin tin TIN ta LIIIIN !"
"Est-ce qu'on doit attaquer le décoloré ?"

Le décoloré... Oui, l'élu au sabre. J'ai envie de voir ce dont il est capable. Et ce dont MES gobelins sont capables. Oh, non je n'ai pas envie de le tuer, mais je me pose une question. Sommes-nous tous égaux en arrivant ? Ou certains commencent-ils avec une longueur d'avance ? Je vais tenter de répondre à cette question de manière empirique. Avec un peu d'intimidation et de provocation.

"Et toi... tu es un élu n'est-ce pas ? Laisses moi la peau de ce loup et je ne te ferais presque pas de mal."

Et je me mets à rigoler. Directement, les gobelins se regardent et se mettent aussi à rire en concert. J'ai l'avantage numérique, au moins. Et puis, faut bien qu'ils se défoulent, mes petits monstres.

Spoiler:

Je suis... impressionné par la rapidité de l'épéiste. Il a du talent, certes. Son épée semble lourde. Pourtant, il la manie avec une grande aisance. Il tranche un de mes serviteurs comme dans du beurre. Je suis pris par un mélange d'excitation et d'appréhension. D'un côté, je suis heureux de pouvoir constater que les élus semblent bels et biens supérieurs à la moyenne. De l'autre... il n'est pas très causant, et puis il a tué un de mes bébés.

Gorbak ! A peine né, et déjà mort.

Ton souvenir ne s'effacera pas, Gorbak. Ton sacrifice ne sera pas vain.

Le sang gicle dans un arc de cercle qu'on dirait tiré d'un manga, et puis le restant du corps d'effondre au sol. Les autres gobelins regardent la scène, les visages interdits. Avant de s'affoler dans tous les sens, de hurler, de paniquer et de s'enfuir dans la forêt.

"Nyaaaaaa !"
"Je veux pas mouuuurir !"

"Mes... enfants... revenez !"

Trop tard ! Ils ont déjà disparu de nos champs de vision respectifs. J'entends encore leurs cris de panique. Je me demande si les gobelins resteront dans ce monde, ou s'ils disparaitront. Je l'ignore. Je l'ai jamais testé. Mais je me retourne vers le tueur. Le sale blond qui me dépasse d'au moins une tête avec un sabre tout dégoulinant de sang vert. Je conçois que cet homme possède une vision manichéene de la vie. Tout est blanc, tout est noir. Pas de gris. Il a décidé que mon gobelin devait mourir et l'a fait sans aucune hésitation. Cela me rappelle des dessins-animés à la télé où les héros massacrent des monstres sans aucun problème moral.

Cet homme là ressemble bien à un de ces "héros".

"Tu... as tué Gorbak-le-preux. Il ne t'avait absolument rien fait. Pourquoi ? Qu'est-ce qui te permet d'ôter la vie à une créature vivante, innocente et doué d'une intelligence, même si elle est réduite ? Qui es-tu seulement pour te permettre de retirer la vie à un être vivant civilisé ? - Même si j'admets que leur civilisation est un rien... Et je ne retrouverai sans doute pas les autres. Tu mérites de subir mon courroux."

J'ignore si ce genre de harangue peut l'atteindre. C'est une sorte de test aussi. Est-il dans la mentalité du personnage original ? Est-il différent ? Cette histoire d'élu m'intrigue, évidemment. Et puis oui, je m'étais attaché à ce gobelin. Même s'il n'avait que quelques secondes de vie à son actif. Les gobelins ont toujours été les souffre-douleurs de tous les aventuriers. Combien sont morts avant même d'avoir put tenter d'ouvrir un dialogue ?

La réalité, c'est que la plupart des aventuriers sont les monstres qu'ils pourchassent. A force de regarder dans les abysses, ils s'y perdent et se confondent dans les ténèbres. Je maintiens mon grimoire et je lève l'autre main lentement, jusqu'à hauteur de ma tête.

"J'invoque les peaux vertes, les guerriers gobelins. Qu'ils viennent par tribus, qu'ils accourent par hordes ! Qu'ils fassent légion, et qu'ils vengent leur frère d'arme. Venez à moi, le roi des gobelins vous appellent !"

Des volutes de fumées dansent de partout dans la clairière avant de prendre forme autours de moi.

La forme d'un groupe hideux et compact. Une masse grouillante de gobelins gromelants, bavants, éternuants, qui parlent, qui croassent qui hurlent dans une cacophonie typique de leur race. Des insultes fusent. Ils s'apprêtent. Ils sont nombreux. Bien plus nombreux que je n'ai jamais invoqué par moi-même. L'effort de ma part est important, bien sûr. Strenght in number. Et bien, on va voir directement ce dont ma légion de gobelins est capable. J'ai un rictus aux lèvres.

Citation :

J'étais a 2 actions de distance, mes gobs étaient a 1 action. Ton attaque les a tué. Oui, ils ont 40 pv, ne te moque pas de moi :D Par souci de cohérence avec ton rp, j'ai fait fuir les autres dans la forêt.

J'utilise mes 3 actions pour invoquer 3 troupes gobelins. Il me reste 200 pm. Nous sommes à 2 actions de distances, tous, de toi.

Etrange, le voilà pris de remord. Il s'arrête. Il hésite. Il ne serait donc pas tout à fait un héro manichéen ? Ou alors j'ai réussi à réveiller un fond de compassion dans son âme fictive ? Je lève mon bras et mes gobelins se retiennent de donner l'assaut. Leur agitation est toujours palpable. Je goûte presque dans l'air leur envie d'en découdre.

Petit escargot, je n'ai fait que leur demander d'éliminer le fauve. Je n'ai pas demandé de t'éliminer. Tiens toi tranquille.

Je m'approche de lui et mes gobelins font de même. Ils l'encerclent de toute part. Ils hurlent. Ils ricanent. Ils sautent. Les gourdins bougent, changent de main, dansent dans l'espace qui sépare le shinigami de la Horde verte. Jamais ils ne passent à l'assaut, autre que verbale. Des mots d'oiseaux fusent oui. Pas d'armes ni de projectiles. Je lève à nouveau la main, et le silence se fait. Complet.

Comment te prouver qu'elles ne sont pas dangereuses ? Elles savent aussi se défendre. Et elles savent aussi ce que c'est que l'envie de vengeance. Mes gobelins sont moins dangereux qu'un être humain, parce qu'ils m'écoutent eux au moins. Est-ce qu'un être humain m'écouterait quand j'ordonnerai de ne pas te toucher ? De te laisser indemne ? De nous tous ici, j'ai bien l'impression que tu es le plus dangereux...

Quelques gobelins complimentent mon discours. Des lèches-bottes. Aucun d'entre eux n'est capable de comprendre deux phrases d'affilés sans une pause de quelques secondes. Peu importe mes gobelins à ce stade. Je veux avant tout faire comprendre la vérité à ce jeune héros. Je veux lui ouvrir les yeux sur la moralité du monde. Sur le gris, la nuance entre le blanc et le noir. Le gris qui peint le monde entier.

Qui es-tu ? D'où viens-tu ? Moi, je suis Smith. John Smith.

Oui je suis intéressé. J'ai l'impression qu'on peut compter sur lui. Peut-être fera-t'il un bon associé ? J'ai des plans pour l'avenir. Bon, des ébauches de plans. J'aimerais accomplir certains projets. Pour cela, quelqu'un comme lui sera plus qu'utile. Il est toujours bon d'avoir un héro dans son carnet d'adresses.

Il est sincèrement désolé. Hum, c'est bon à savoir. C'est dommage qu'il ait du tuer un de mes serviteurs pour l'être. Mais quelque part, c'est un petit sacrifice pour une grande leçon. Il se présente et son nom me dit affreusement quelque chose.

Ichigo ? Mais oui ! Bien entendu ! C'est le personnage de Bleach. Un manga qui a eut une véritable heure de gloire, et puis qui est rapidement tombé dans les schémas répétitifs et ennuyeux des Shonen typiques. L'appelation Hollow ne me dit rien. J'ai rapidement décroché de ce manga et c'est tombé dans les limbes de mon oubli.

"Enchanté Ichigo."

Il me demande alors le nom de mes créatures. Il semble avoir le besoin de poser des labels à ce qu'il voit. Ce n'est pas aussi simple que cela Ichigo. J'ai un sourire mélancolique aux lèvres. Je vais lui conter une histoire.

"Ce sont des gobelins. Dans mon monde à moi, ils sont persécutés pour leur apparence, leur odeur et leur faible niveau. Tous les aventuriers novices se font la main dessus, le temps d'un donjon ou deux. Après, ils passent à des créatures qui ont un peu plus de classe, qui font des meilleurs trophés. Qui rapportent plus de pièces d'or, d'objets magiques et de reconnaissances des populations. Par tradition, les gens n'essaient même plus de leur parler. D'ouvrir le dialogue. Non, dans l'esprit collectif, ce sont des monstres. Et cela leur donne le droit d'être génocidé sans que le moindre paladin ne vienne verser une larme. Femmes, enfants, vieillards... Tous égaux devant la mort."

Je m'arrête un instant. J'entends des reniflements. Je me frapp la figure avec ma paume. Ne me dites pas que... J'ouvre les yeux pour voir au-travers de mes doigts. Je soupire. Oui, les peaux vertes sont en larmes. Certains se sont pris dans les bras l'un de l'autre. Ils ont de la morve plein le visage. Y'en a même un qui murmure "Papa...". Mon dieu. Mes gobelins cumulent tous les défauts, et sont EN PLUS des êtres sensibles et fleurs bleues. Je hausse les épaule et je me pose une question à Ichigo cette fois-ci.

"Et toi... qui sont ces hollows ? Je ne suis pas depuis suffisamment longtemps ici pour pouvoir t'affirmer si telle créature réside effectivement dans ce monde ou non. Mais j'aimerais savoir comment tu peux les classifier aussi facilement de créatures "maléfiques"."

L'autre question que je me pose du coup, c'est si ce personnage est capable de s'adapter et de survivre dans un environnement qui ne donne plus sens à sa vie. S'il n'y a plus d'hollows à exterminer, que va-t'il devenir ? Va-t'il se tourner contre une autre menace ? Et s'il n'y a que des humains, va-t'il faire une purge à la Yagami Raito ? Quelques gobelins se morfondent encore tandis que j'attends ses réponses, impatiemment.